Lionel Chardine

    La réalité est-elle une grimace du réel ou le réel grimace de la réalité ? Le tableau se pose là, étrangement  familier, et  me pose  la  question : j'ai déjà vécu ça, est-ce en rêve, ou suis-je déjà rêvée par le peintre ?
    Perspective décalée, le point de vue m'impose au regard une composition sans  fuite  possible.  La  profondeur  aplatie,  subvertie  la  juxtaposition  des portraits pourtant réalistes et les rend  illusoires. Illusion de  l'esprit du  temps, de notre époque, notre terreau industriel pollué, raciste et clinquant. Véritable fiction, ceci n'est pas un rêve.
    Le regard est  clinique, des détails qui n'ont  rien à  voir  me  tirent  vers  la véracité-férocité  du  réel de  me  pousser à  l'impossible.  Ils  peignent  notre époque et le mur comme un index pointé sur les symptômes du monde. C'est  un théâtre cruel, ces teintes que l'on a vu ailleurs dans l'imagerie médicale qui  traduit l'intensité  de  la  chaleur et de la  douleur  en  couleurs ; de  même  les   citations d'actualité et de peintures de groupes sont enveloppées d'une parole qui ne finit pas.
    Le cadre est hors  sujet, sans  marges ni  marie-louises, c'est  un mur  posé  dans  un  monde  d'objets,  réalisme  dévoyé  qui  évoque  un  sur-réel : de  la  peinture concrète.
 
 D. Treton, psychanaliste, critique d'art