La réalité est-elle une grimace du réel ou le réel grimace de la réalité ? Le tableau se pose là, étrangement familier, et me pose la question : j'ai déjà vécu ça, est-ce en rêve, ou suis-je déjà rêvée par le peintre ?
Perspective décalée, le point de vue m'impose au regard une composition sans fuite possible. La profondeur aplatie, subvertie la juxtaposition des portraits pourtant réalistes et les rend illusoires. Illusion de l'esprit du temps, de notre époque, notre terreau industriel pollué, raciste et clinquant. Véritable fiction, ceci n'est pas un rêve.
Le regard est clinique, des détails qui n'ont rien à voir me tirent vers la véracité-férocité du réel de me pousser à l'impossible. Ils peignent notre époque et le mur comme un index pointé sur les symptômes du monde. C'est un théâtre cruel, ces teintes que l'on a vu ailleurs dans l'imagerie médicale qui traduit l'intensité de la chaleur et de la douleur en couleurs ; de même les citations d'actualité et de peintures de groupes sont enveloppées d'une parole qui ne finit pas.
Le cadre est hors sujet, sans marges ni marie-louises, c'est un mur posé dans un monde d'objets, réalisme dévoyé qui évoque un sur-réel : de la peinture concrète.
D. Treton, psychanaliste, critique d'art